Privatiser un peu plus la sécurité
C’est en résumé le propos du décret n° 2010-1073 du 10 septembre 2010 relatif au délégué interministériel à la sécurité privée.
A l’heure où le débat s’élève sur l’utilisation à des fins privées de moyens de sécurité publique, une solution alternative se fait jour : privatiser le plus possible la sécurité publique dans son ensemble.
C’est en résumé ce que commence à réaliser le décret n° 2010-1073 du 10 septembre 2010 relatif au délégué interministériel à la sécurité privée dont la logique est tout entière tournée vers l’interpénétration entre service public de la police et activités de vigilance privée.
Au premier chef, la notion même de sécurité privée se trouve consacrée à la fois dans sa consistance (discours promu par certains sites) et en ce qu’elle désigne des interlocuteurs aux pouvoirs publics pour la promouvoir. Nulle autre explication à la création présentée comme nécessaire pour leur parler, d’un délégué interministériel.
Dès le premier alinéa de l’article définissant ses missions, le ton est donné : ce délégué "favorise" la complémentarité avec l’action des pouvoirs publics" des activités de sécurité privée. Autant dire qu’on cherche ici des relais, voire des supplétifs.
Quant au dernier, il annonce clairement la couleur (... de l’argent ?) en posant que "les principes d’un partenariat opérationnel entre les entreprises de sécurité privée" et l’Etat seront définis par ce délégué "en concertation avec les représentants du secteur de la sécurité privée". On ne saurait mieux associer les entreprises à la définition des futurs marchés publics qu’elles auront à assurer.
Plus avant, le délégué interministériel, "est consulté sur l’élaboration de la norme dont il facilite l’application par les conseils et les rappels appropriés". Le décryptage de cette disposition est rendu possible par une de ses missions précédentes : le délégué assure "la veille des risques (...) lorsque certaines entreprises s’affranchissent des règles imposées en la matière". On ne peut pas s’empêcher de penser que, comme ce fut le cas récemment de la délinquance financière dans les sociétés, lorsque la norme ne sera pas respectée, c’est qu’elle sera nocive pour la bonne gestion des entreprises, et qu’il faudra l’assouplir.
Enfin, on appréciera le décret d’avoir transformé le délégué interministériel à la sécurité privée en bureau de placement, grâce à la disposition prévoyant qu’ "il facilite, en coopération avec les entreprises du secteur, l’insertion professionnelle des adjoints de sécurité et des gendarmes adjoints volontaires en fin de contrat". On ne sache pas, toutefois, que les anciens agents du service public aient grand mal depuis une trentaine d’année, à trouver des débouchés dans ce secteur. Ce "pantouflage" serait plutôt, aux dires de certains, une occasion trop fréquente de problèmes déontologiques lorsque l’entreprise privée qui embauche était à un titre ou un autre en relation avec le fonctionnaire public pendant sa position d’activité.
Un pas de plus semble être franchi vers la confusion entre les actes et missions de puissance publique et les activités d’entreprises privées, qui plus est avec la meilleure publicité qui soit : celle d’un coordinateur fondé par décret et payé sur fonds publics. Tout cela n’attend plus pour démultiplier la tribune publique, que la création du Conseil national des activités privées de sécurité à venir, alors même que certains groupes internationaux de la sécurité privée s’installent déjà en Europe.
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